Même sans odeur de corruption, un contrat entre Microsoft ou Apple et l'État québécois est forcément un mal pour la société

Chaque fois que le gouvernement signe un contrat avec Microsoft ou Apple, cela implique que nous payons pour le droit d'utiliser des copies d'un type de logiciel conçu spécifiquement pour accumuler des montagnes d'argent en profitant d'un monopole créé de façon tout à fait artificielle. Les travailleurs de l'industrie informatique qui ont rejeté le modèle d'affaire de ces grandes multinationales en dénoncent l'immoralité fondamentale depuis de nombreuses années.

En rapport avec la récente demande d'enquête sur les contrats informatiques au gouvernement du Québec, une question mérite peut-être d'être posée : le citoyen québécois doit-il vraiment applaudir lorsque les contrats informatiques qu'il paye n'ont pas donné l'occasion d'une extorsion supplémentaire au profit de quelque intermédiaire ?

C'est vers cette conclusion absurde que nous sommes entraînés si en exigeant plus de transparence dans l'octroi des contrats informatiques nous les citoyens ne disons rien sur la nature de l'informatique qui est offerte à l'État par l'industrie.

Car le contrat octroyé dans la plus grande conformité à l'éthique ne rendra jamais l'informatique liberticide de Microsoft, IBM, Oracle, SAP, Apple, Adobe, etc., compatible avec l'intérêt public. La seule informatique qui devrait intéresser l'État québécois est celle qui ne lui retire pas les moyens de garantir la souveraineté informatique du peuple et d'assurer la conservation et le développement du patrimoine numérique qu'il gère en son nom.

En ce début de XXIe siècle, c'est la mission même de l'État qui ne peut être poursuivie sans avoir recours aux logiciels libres, aux données publiques libres, aux standards ouverts et à la neutralité du réseau Internet.

De la même façon que l'État québécois s'impose l'usage exclusif du français dans toutes ses communications en vue de faire rayonner notre langue nationale dans l'ensemble de la société, il doit s'imposer l'usage exclusif d'une informatique libre pour aider les citoyens et les groupes membres de notre société à prendre le contrôle de leur informatique.

Lorsqu'on ne s'occupe pas de la politique, c'est elle qui s’occupe de nous et il en va de même avec l'informatique. Mais à qui peut-il bien être profitable que nous soyons globalement des analphabètes politiques et informatiques ? Certainement pas à des individus et des peuples qui veulent être libres...

Mathieu Gauthier-Pilote
membre du CA de FACIL

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