Article de M. Tristan Péloquin, le 16 juin 2009
Joignant sa voix à celle d'un organisme de défense du logiciel libre, le Parti québécois demande au ministre de la Santé de suspendre un avis d'intention accordant à Microsoft un contrat de plus de 5,5 millions de dollars. Publié le 10 juin, l'avis prévoit la mise à niveau et l'acquisition de plusieurs licences et de produits et services de Microsoft pour la Régie de l'assurance maladie du Québec, au coût total de 5 471 431,62 $.
Selon ce qu'on peut lire dans le document publié sur le Système électronique d'appel d'offres du gouvernement québécois, d'autres fournisseurs que Microsoft sont cependant invités à «faire part de leur intérêt envers ce projet de marché et démontrer leur aptitude à mener à bien le contrat.» «Notre intention, c'est de signer un contrat avec Microsoft. Par contre, il y a des petites parties (du contrat) pour lesquelles nous sommes ouverts à faire affaires avec un autre fournisseur qui démontrerait un intérêt», résume le porte-parole de la Régie de l'assurance maladie, Marc Lortie.
Le hic, c'est que, toujours selon l'avis d'intention, ces éventuels fournisseurs n'ont eu que sept jours pour faire connaître leurs propositions détaillées au à Régie. «C'est un délai ridiculement court. C'est malhonnête!», accuse Cyrille Béraud, président du conseil d'administration de FACIL, organisme voué à la promotion du logiciel libre, et président de Savoir-Faire Linux, une entreprise montréalaise spécialisée dans l'implantation de logiciels libres qui conteste les façons de faire du gouvernement lors de l'achat de logiciels.
Affirmant de surcroit que l'avis d'intention de 12 pages n'est qu'une suite de «sophismes du genre : nous avons des produits Microsoft partout, nous ne pouvons que continuer dans cette voie», FACIL a fait parvenir une lettre au ministre de la Santé, Yves Bolduc, lui demandant la suspension immédiate de l'avis d'attribution. À Québec, la demande de l'organisme a vite trouvé écho dans les bureaux du critique de l'opposition officielle en matière d'Administration publique et du Trésor, Sylvain Simard. «Nous sommes dans le domaine du faux appel d'offres. On sent qu'il y a un malaise. Ce n'est pas normal qu'on donne si peu de temps à des entreprises concurrentes pour faire connaître leur offre», a affirmé le député péquiste, en entrevue à Cyberpresse.
D'accord à la base avec l'idée de suspendre l'avis d'intention, le critique du Parti québécois croit même qu'il faille aller encore plus loin : «Notre position, c'est qu'il faut permettre aux logiciels libres d'entrer en concurrence (avec les logiciels propriétaires acquis par l'État). Il faut une rupture. L'État ne peut pas continuer de se lier à des entreprises par des systèmes extrêmement coûteux de licences qu'il faut constamment renouveler, a-t-il dit. Après les salaires du gouvernement et de l'administration publique, le poste le plus coûteux pour l'État est l'informatique.
C'est un problème qui sera bientôt étudié par la Commission de l'administration publique», a ajouté M. Simard. Tant à la Régie de l'assurance maladie qu'au bureau du ministre de la Santé, on assure que le délai de sept jours accordé par l'avis d'intention aux éventuels concurrents respecte les règles prévues par la loi. Selon le porte-parole de la Régie de l'assurance maladie, Marc Lortie, le mode d'acquisition par avis d'attribution, tel qu'il a été défini dans ce cas-ci, permettrait d'économiser 1 million de dollars sur le prix régulier des logiciels et équipements.
En avril dernier, La Presse révélait que le ministère de l'Éducation du Québec a accordé sans appel d'offres un contrat de 1,32 millions à Microsoft pour l'acquisition de 1800 logiciels de bureautique. En mai, le règlement sur l'attribution des marchés publics a été revu de façon à obliger les fonctionnaires à réaliser préalablement «une recherche sérieuse et documentée» avant d'accorder un contrat à une entreprise qui est la seule à offrir un produit ou un service.